Deux anecdotes rappelées par Guy Point

Publié le par seminaire. de Chavagnes sept1958/juin1961

Mutinerie

 

 Pendant l’hiver 1960/1961, une épidémie de grippe a sévi durement au petit séminaire de Chavagnes. Tous les bains de pieds que prodiguait la sœur infirmière aux élèves fiévreux avaient été voués à l’échec et le virus s’étendait largement  et particulièrement aux classes de sixième et de cinquième. Fut lors prononcé par l’autorité un « licenciement » pour cause sanitaire renvoyant à leurs domiciles tous ces élèves pour une période indéfinie.

Bien sûr, cette décision considérée comme injuste par les quatrièmes restant seuls dans l’établissement a engendré des réactions de mécontentement. Celles-ci furent orchestrées par quelques-uns.

 En fin de récréation, au moment de constituer les rangs au bas de l’escalier avant de rejoindre l’étude, la consigne est donnée d’avancer au pas cadencé, levant le genou très haut et martelant le sol de façon rythmée. Ainsi, nous entreprenons de monter l’escalier, traverser le couloir et rejoindre nos places, continuant d’imprimer notre mouvement d’humeur en tapant du pied en cadence au lieu de nous asseoir.

 Notre surveillant, l’abbé Raymond Gadé, grand séminariste surtout affairé à trouver les bonnes réponses du concours Ouest-France  cache sa timidité et son indécision derrière son journal.

 Devant l’insistance du mouvement, il s’absente de l’étude, accentuant ainsi  l’ampleur de la grogne et du niveau  sonore de la manifestation. Il revient quelques minutes plus tard assisté du P. Loïc de Boisdavid, l’autorité disciplinaire du petit séminaire. Du haut de son 1,90 m, celui-ci impose le silence en quelques mots bien sentis et avec toute la froideur que lui confère son aura, il tue dans l’œuf ce début de « mutinerie » et… la progression du virus.

 Les quatrièmes ne partiront jamais  en licenciement sanitaire… Les instigateurs du mouvement ont peut-être trouvé dans cet événement des raisons de militer ensuite pour des causes plus défendables !!!

 

 

 

L’Harmonium

 

 Qui ne se souvient de Mr Boiffin ? Cet homme d’âge respectable mais pas toujours respecté était le seul  représentant du monde séculier au sein du corps enseignant exclusivement constitué d’ecclésiastiques. On lui avait dévolu la tâche d’enseigner les sciences physiques et naturelles. Il n’était sans doute  pas dépourvu de savoir et de diplômes, mais n’avait probablement pas été formé aux subtilités de l’art pédagogique,  à tel point que ses cours  passaient à mille lieues au dessus de nos têtes, nous barbaient ou nous rasaient proprement (au choix…).

 Il fallait donc trouver d’autres centres d’intérêt pour animer  ces heures entières où notre esprit avait de la peine à accrocher la science de notre docte professeur. Des initiatives privées  nombreuses  d’élèves égayant ces cours nous les faisaient finalement attendre avec impatience : de quelle manière allions-nous prendre encore une belle bosse de rire ?

Je relève ici une initiative collective en classe de Quatrième 1.

Les cours d’harmonium que nous prodiguait Pépé Aumont dans les cases ad hoc nous avaient largement martyrisé les doigts mais tout de même inculqué quelques rudiments de solfège. A l’entre-cours, forts de cet avantage, avec mon compère Gilbert Lucas et d’autres, nous avons entrepris de coincer le LA et le SI bémol de l’harmonium qui se trouve dans le dos du professeur à gauche du tableau. Une ficelle attachée au pédalier de la soufflerie et passée discrètement le long du mur derrière les radiateurs rejoignait le dernier rang de la classe.

Depuis ce poste stratégique, nous pouvions opérer : à un moment du cours où l’intensité du chahut avait baissé, Gilbert et moi-même tirions de toutes nos forces sur la ficelle pour lancer l’instrument à vent qui se mit à émettre un son strident déclenchant l’hilarité de tous les élèves.

   - Qu’est-ce qui joue de l’harmonica, s’époumone Mr Boiffin, cherchant désespérément d’où venait le bruit ?

   - Monsieur, ce sont les petits oiseaux qui sifflent à l’extérieur, répondis-je … !!!

   - Eh bien, POINT, fermez cette fenêtre et poursuivons le cours… !!!

 Je m’exécutai sur-le-champ, heureux d’avoir berné la perspicacité de notre professeur et d’avoir sauvé la classe d’une punition collective ; je suis encore heureux aujourd’hui d’avoir initié alors une émancipation visant à se donner de l’air dans une vie communautaire pas évidente à supporter

 

 

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R
<br /> Merci,Manu d'avoir en quelque sorte réveillé,après 10 jours de "quasiment" silence ce blog "quasiment" tacite...<br /> Merci pour la confirmation des draps blancs et,pour rester encore sur les toits du Séminaire,tu te souviens que les deux premières antennes avaient été installées par le Père de Gilles Bonnet,des<br /> Lucs, pour la réception radio FM pour le Père Idier et le Pére Serin.<br /> Et,revenant sur terre,à vous tous,je pense que vous n'avez pas oublié l'odeur de la "savaterie" là où nous allions prendre nos souliers le samedi soir pour les cirer sous la véranda avec chacun sa<br /> caisse à outil adéquat.<br /> A propos de véranda,lequel était passé au travers de la verrière en allant récupérer une balle en mousse ?.<br /> J'ai dans l'idée que c'était Maurice Blandin mais pas vraiment sûr, affaire à suivre.<br /> Amitié à VOUS TOUS !<br /> rené<br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Et oui René, heureusement que toi et Manu êtes là pour faire quelques commentaires ! Il faut dire que vous avez des souvenirs précis qui font peut-être défaut à beaucoup...(...enfin à moi<br /> certainement!). Le 18, je compte sur vous pour raconter ces anecdotes (et d'autres) de vive voix. Merci. Hubert<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Bonjour René,<br /> Effectivement, des draps étaient posés sur la toiture du séminaire pendant la guerre, (disposés en forme de croix).Une partie des batiments étaient réquisitionnée pour recueillir des blessés de<br /> guerre .Je tiens cela de mon frère ainé qui était au séminaire en 43, 45. Manu<br /> <br /> <br />
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R
<br /> Il nous reste encore un mois pour raconter ce dont vous vous souvenez;le 18 il ne nous restera plus que 10 heures,il est grand temps de faire quelque chose ...<br /> Quitte à vous barber,jecontinue à assurer le premier prix de bavardage.Mais ce temps là nous a tellement marqué (plus en bien qu'en mal) que ,ce soir ,j'ai envie de me "défouler"auprès de vous tous<br /> que j'ai tant apprécié !...Comme aurait dit Coluche, je peux citer des noms ...<br /> <br /> Ceci était l'introduction,ensuite il y aura le corps du sujet puis la conclusion.<br /> Vous aviez oublié?<br /> <br /> Corps du sujet (le plus long,vous risquez de vous endormir avant la fin;bonne sieste !...<br /> <br /> Le galetas (au dessus du dortoir des 6ème donc deux étages au-dessus du réfectoire) c'est là que le lendemain de la rentée nous allions ranger nos valises.<br /> <br /> Mystère Douloureux :<br /> <br /> physiquement car il fallait les monter et moralement car il nous fallait s'adapter à ce nouveau mode de vie.<br /> <br /> Mystère Joyeux :<br /> <br /> Le jour des vacances,physiquement car il fallait les descendre et surtout moralement car, à notre age, la famille nous manquait beaucoup.<br /> <br /> Mystère Glorieux :<br /> <br /> Je ne suis pas concerné car j'étais toujours en queue de peloton ...<br /> <br /> Anectote : figurez-vous que dans ce galetas,en 6ème,j'ai trouvé un poster<br /> d'Hitler plié en quatre,je l'ai mis dans ma valise et en arrivant à la maison,mon Père<br /> l'a fait brûlé sous nos yeux, (nous étions onze enfants), dans la cheminée et je crois qu'il avait dit "un gros mot " !!!<br /> <br /> Le Père Cornuaud nous avait expliqué que pendant la guerre 39/45,le toit du séminaire était couvert de draps blanc en forme de croix pour signifier à l'ennemi que ce batiment ne devait pas être<br /> bombardé;pour ceux qui savent,j'aimerais bien avoir confirmation de ceci.<br /> Restant sur le Père Cornuaud,quelqu'un se souvient-il que lorsqu'on appuyait sur ses boutons de soutane,on activait ses radars ?<br /> <br /> Conclusion ;<br /> <br /> J'arrête pour aujourd'hui,j'en garde pour plus tard,il ne reste plus que 300 pages<br /> <br /> Amitié à vous TOUS !!!<br /> <br /> René<br /> <br /> <br />
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G
<br /> Petite rectification pour Claude : ce n'est pas le père SOrin, mais SErin et plus précisément Clément Serin. C'était mon "confesseur" et qui plus est, il était originaire, du Boupère comme moi ! ce<br /> qui n'est pas la moindre des qualités ! N'est-ce pas René ?<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Bonjour à vous et merci aux organisateurs de cette rencontre du 18 septembre !<br /> Je confirme le gain de l'ID 19, la 1° "leçon" d'anglais avec le père John, le nom du père Mallard. Par contre, pas de souvenir de l'épidémie de grippe.<br /> J'ajouterai que j'ai encore l'odeur du poisson que nous mangions le vendredi après la séance de douche.<br /> Autre souvenir : j'étais choriste et j'avais souvent peur de voir le père Sorin passer par-dessus la balustrade de la tribune.<br /> A bientôt pour partager d'autres souvenirs !<br /> <br /> <br />
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